Parfois, lorsqu’on est en panne d’inspiration (ou en panne tout court), il est des rencontres qui vous redonnent du peps, l’envie d’achever ce que vous avez commencé. Pour moi, cette rencontre avec Christiane Taubira en fait partie.
La présence à Casablanca de l’ancienne Garde des Sceaux, et première femme noire Ministre de la Justice en France, était suffisamment inédite et remarquable pour que l’Institut Français de Casablanca organise 2 rencontres le même jour. Aucun besoin de dire que pour celle de 19h, à laquelle j’ai pris part, la salle était “full”!
Je ne m’y connais pas beaucoup en politique, et heureusement, car, bien que née en France, ce n’est pas la politicienne que j’étais venue voir et écouter ce soir-là, mais la femme, d’abord. Une petite femme forte, élevée par une “femme modeste et humble”, comme elle l’a si bien expliqué lors de cette rencontre… Une femme suffisamment courageuse pour s’envoler loin de sa Guyane natale, afin de poursuivre ses études en métropole. Et aussi, bien sûr, la femme de la diaspora afro-descendante, qui, dans un pays de diversité comme la France, a hélas dû faire face à un fléau que l’on rencontre encore de nos jours, quand la différence de couleurs de peau devient prétexte de division et de haine. Eh bien, en dépit de cela – vous l’avez compris, du racisme -, cette femme n’en a pas moins été suffisamment courageuse pour tenir tête, rester la meilleure version possible d’elle-même, en dépit des insultes et des humiliations, et surtout pour apporter un des changements dans la société où elle vit… Je dirai “changements positifs”, certains me contrediront, j’en suis sûre. Libre à vous, nous n’avons pas besoin d’être d’accord sur tout. 🙄
Mais un changement certain qu’elle a apporté pour de nombreuses femmes afro-descendantes, ou pour toute personne vivant en France ou ailleurs, qui a été victime à un moment ou un autre de discrimination, c’est dans le mental. Comment dire? Par sa présence, le rôle qu’elle a joué à un moment de sa carrière à la tête de l’une des plus hautes fonctions de la république française, elle a créé dans le mental de plusieurs une aire de possibilité(s). C’est possible, en tant que diaspora issue de l’esclavage, après plusieurs générations, d’être aux commandes en France d’un ministère aussi stratégique et sensible que celui de la justice. C’est possible, de faire reconnaître, au même titre que d’autres exactions historiques, comme crime contre l’humanité les traites et esclavages pratiqués à partir du XVe siècle sur les populations africaines, amérindiennes, malgaches et indiennes. C’est possible, à une échelle plus réduite, d’obtenir d’être traité-e, en tant que femme ou en tant que minorité, avec respect, en dépit de… sa différence? Je ne sais pas si le terme est juste, mais vous m’aurez compris, je l’espère.
La voir être ce qu’elle a été, ce qu’elle est, tout simplement, n’a pas seulement créé une aire de possibles, mais littéralement une ère de possibles. Car aussitôt qu’une barrière mentale est brisée dans l’inconscient, ce n’est pas seulement un espace ponctuel de possibilités qui se met en place. C’est tout un nouveau cycle de transformation, de dépassement de soi, qui s’écrit dans l’histoire de nos vies.
Connaissez-vous l’histoire de cet athlète, le coureur Roger Bannister, qui a brisé le mur du 4-minutes-mile? Avant qu’il ne le fasse en 1954, tout le monde était persuadé que c’était impossible de courir un mile (1 609,34m) en moins de 4 minutes. Mais quand Bannister a brisé le mur des 4 minutes, soudain, d’autres ont réussi, eux aussi, à courir ce mile en moins de 4 minutes! 😆 D’ailleurs, l’actuel détenteur du record du mile est un Marocain 🇲🇦, Hicham El Guerrouj, avec 3 min 43 s 13…
En tant que femme de la diaspora afro-descendante francophone, Christiane Taubira est une Roger Bannister dans son domaine, que même les hommes admirent ET soutiennent dans ses engagements, y compris féministes.
Pour moi, l’avoir vue, touchée, embrassée ce soir-là, c’était voir, toucher et embrasser que c’est possible. C’est possible de contribuer à rendre meilleure la société dans laquelle je vis. C’est possible de changer les regards entre les membres de la diaspora et les nationaux, pour un meilleur vivre-ensemble. C’est possible de faire de l’être que l’on est – avec son histoire, ses particularités – son plus bel atout pour apporter un souffle nouveau à son époque. C’est possible de pardonner, se relever et continuer d’avancer avec grâce, pour accomplir sa destinée.
Tout est possible à celui qui croit, n’est-ce pas? 😉
Alors quel Roger Bannister/ Christiane Taubira serons-nous pour faire entrer le monde dans une nouvelle ère de possibles?
Moi, je sais déjà, et vous? 😊
Trêve de mots, je vous laisse regarder quelques moments capturés à l’Institut Français de Casablanca, durant cette rencontre avec Christiane Taubira …
À bientôt!
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