Gnaouas, Diasporas et Musiques à Essaouira: recette d’un soft power pour le vivre ensemble

Une 24ème édition, mais surtout des retrouvailles en bonne et due forme, voilà ce qu’a été le festival Gnaoua Musiques du Monde, organisé du 22 au 24 Juin à Essaouira. La musique et le public – environ 300 000 festivaliers – ont bel et bien été au rendez-vous dans la cité des alizés. Mais c’est bien le forum des Droits de l’Homme d’Essaouira qui a été l’épicentre des débats entre Marocains, diasporas et amis de la diaspora, sur le thème “Identités et Appartenances”. Je ne vais pas vous le cacher: entre la musique, la culture gnaoua et la diaspora, mon cœur balance. Du coup, en écrivant cet article, fallait-il choisir? Pourquoi choisir? Alors, voilà ce que j’ai vécu – et appris, en tant que membre de la diaspora afrodescendante au Maroc – à Essaouira, le temps d’un weekend.

La culture, un atout à développer et exploiter

La culture, les racines d’un pays, d’un peuple, si elles sont reconnues et valorisées, constituent un élément fort pour le développement d’une région, d’une population. De ce que j’ai vu au Maroc, après plus d’une décennie en tant que diaspora installée ici, la culture, les cultures marocaines dans leur ensemble, sont mises en avant comme atout touristique, qui génèrent ensuite des revenus tant directs qu’indirects pour le Royaume et les opérateurs du secteur. Valoriser le patrimoine culturel et musical gnaoua a eu un impact sociétal notable, tant au niveau de la ville d’Essaouira que de sa population. Grâce au travail de promotion et de valorisation, avec des festivals tels que celui d’Essaouira, beaucoup d’artistes gnaouas sont sortis de la précarité. La carrière de certains d’entre eux a même été prise en charge par des labels de musique internationaux, tels que Moktar Gania & Gnawa Soul avec Universal Music.

Les diasporas, récepteurs et transmetteurs de valeurs

Si les festivaliers sont venus des cinq continents pour cet événement, j’ai été particulièrement interpellée par la présence, et l’enthousiasme durant le forum, de membres de la diaspora, pas seulement marocaine, mais maghrébine dans sa globalité. Franco-Algériens, Algéro-Tunisiens, Franco-Tunisiens … ils étaient là, pour écouter, apprendre de l’expérience marocaine du vivre-ensemble.

Car si vous ne le saviez pas, le Maroc a la particularité d’avoir un peuple aux origines diverses – forgée par la convergence de ses composantes arabo-islamique, amazighe et saharo-hassanie, (…) et enrichie de ses affluents africain, andalou, hébraïque et méditerranéen, d’après la Constitution de 2011. Mais c’est aussi d’être l’une des rares contrées où juifs et musulmans cohabitent en paix et en harmonie. Et c’est de cette expérience du vivre-ensemble, en plus de la musique, que ces diasporas sont venues s’imprégner à Essaouira, pour la partager ensuite dans leurs milieux de vie à travers le monde.

La musique, plus qu’un art: un connecteur des peuples

La musique, si elle adoucit les mœurs, a aussi ce pouvoir d’abolir les frontières. Que ce soient les tambours du Burundi, région des Grands Lacs dont je suis originaire, ou les sonorités gnaouas si proches du blues américain ou du tango argentin, les mélodies savent comme personne, effacer les origines, pour nous rappeler que nous ne sommes qu’un peuple, qu’une race: la race humaine. Au détour des fusions opérées en live par les musiciens africains, latino-américains, européens sur scène, tout a rapproché les festivaliers pendant ces trois jours, dans un monde où hélas, de plus en plus, beaucoup est fait pour nous diviser.

Alors, faudrait-il élire des musiciens à la tête de nos nations? Peut-être pas jusque là 😅. Mais il est vrai, que durant ce weekend “souiri”, j’ai eu le temps d’observer les artisans de ce soft power qui mériterait d’être enseigné, pour de meilleures relations entre nos peuples et nos pays.

Les hommes… et la femme derrière ce vivre-ensemble

Bien sûr, ce festival d’Essaouira, fort de 24 éditions, cette 10ème édition du forum des droits de l’homme d’Essaouira, et surtout les changements qu’ils ont impulsés, sont le fruit d’un travail d’équipes. Faute d’en connaître tous les membres, je ne pourrai donc pas les citer ici. Mais s’il ne fallait mentionner que 3 personnes, ce seraient celles-ci.

André Azoulay

Conseiller de feu Sa Majesté le Roi Hassan II et de Sa Majesté le Roi Mohammed VI, André Azoulay, originaire d’Essaouira, est sans conteste celui à qui l’on doit la transformation de la ville depuis ces 30 dernières années. Ancien membre de la diaspora, – puisqu’il a étudié en France -, il est Président de l’association Essaouira-Mogador, qui œuvre pour la sauvegarde et la promotion du patrimoine d’Essaouira. En dehors de la valorisation du patrimoine humain, culturel et historique “souirie“, ce sont aussi le vivre-ensemble, le dialogue interculturel et interreligieux qui constituent son cheval de bataille, que ce soit au Maroc ou à l’international. Membre du comité des sages pour l’Alliance des civilisations à l’ONU, Président délégué de la Fondation des trois cultures et des trois religions, basée à Séville (Espagne), membre du Groupe de Haut Niveau des Nations unies pour l’Alliance des Civilisations, ancien président de la Fondation Euro-méditerranéenne Anna Lindh… Son engagement ne se traduit pas uniquement en mots, mais surtout en actes. Entre autres distinctions, du fait de ses actions pour le dialogue des cultures, la ville de Marseille, capitale européenne de la culture 2013, lui a attribué la médaille de la paix, en tant que président de ladite fondation. S’il fallait mentionner ici les autres décorations, encore plus prestigieuses, qu’il a reçues, et surtout relever l’impact de son engagement au Maroc et à l’international, vous et moi aurions du mal à terminer cet article.

Pour faire court, disons simplement qu’en homme de réseaux, le lien qu’il maintient avec les décideurs de haut niveau et la jeunesse, que ce soit à travers son implication dans la vie associative marocaine et internationale, ou tout simplement par sa disponibilité et son écoute, lui donnent un atout indéniable pour défendre ou faire avancer les causes qui lui sont chères.

Driss El Yazami

S’il y a bien deux points marquants dans le parcours de Driss El Yazami, ce sont les Droits de l’Homme et la Migration. Son implication dans la société civile ne date pas d’aujourd’hui. On pourra citer entre autres son rôle, au niveau national, en tant qu’ancien membre de l’Instance Équité et Réconciliation, du Conseil Consultatif des Droits de l’Homme, membre du comité de pilotage et chef du pôle de la société civile, lors de la COP22 en 2016 à Marrakech. Il a aussi été le 1er Président du Conseil National des Droits de l’Homme, dès la création de cette institution en 2011.

À l’international, Driss El Yazami a été Vice-Président de la Ligue française des droits de l’Homme, ancien Secrétaire Général de la Fédération Internationale des Ligues des Droits de l’Homme, et ancien membre du Comité exécutif du Réseau Euro-Méditerranéen des Droits de l’Homme.

Driss El Yazami a été également membre de la Commission consultative de révision de la Constitution marocaine en 2011. Depuis Décembre 2007, il est Président du CCME (Conseil de la Communauté Marocaine à l’Étranger), organisme créé par le Roi Mohammed VI. Et il a été, lui aussi, diaspora, en France.

Neïla Tazi

Impossible de parler de festivals musicaux ou culturels au Maroc, sans parler de Neïla Tazi. C’est la “mère” du Festival Gnaoua d’Essaouira, qu’elle a fondé en 1998, et à travers lequel elle a milité pour la reconnaissance du patrimoine et des artistes gnaoua. Au-delà du festival, c’est aussi une femme engagée pour le secteur culturel, en tant que fondatrice de l’association Yerma Gnaoua, et présidente de la Fédération des Industries Créatives et Culturelles au sein de la CGEM (Confédération Générale des Entreprises du Maroc). Elle est la première femme marocaine élue vice-présidente de la Chambre des Conseillers, en 2015.

Pour le volet culturel, la 24ème édition du Festival Gnaoua lui a d’ailleurs donné l’occasion de faire signer un partenariat entre le Ministre de la Culture du Maroc et l’ambassadrice de l’Union Européenne au Maroc, pour l’accompagnement et le financement des industries culturelles et créatives.

C’est une ancienne membre de la diaspora marocaine, elle aussi, puisque née aux États-Unis et ayant étudié en France. Polyglotte, multiculturelle, ouverte d’esprit et fonceuse, c’est une businesswoman dont l’agence A3 communication orchestre d’une main de maître les relations publiques et la communication d’entreprises et institutions telles que Maroc Télécom, le SIAM (Salon International de l’Agriculture au Maroc), Bombardier, ou encore le cabinet Deloitte.

Alors, qu’est-ce que j’ai appris d’eux et d’elle?

Ils ne le savent peut-être pas, mais au regard de leurs différents parcours, et des échanges du forum, c’est une masterclass gratuite qu’ils m’ont donnée durant ce weekend à Essaouira, détente et musique inclus. J’ai appris beaucoup, beaucoup, beaucoup de choses. On en parle vous et moi, dans la section des commentaires, ou autour d’un café, si vous voulez ☺️.

Ce qui est sûr, j’ai surtout appris à écouter. Et j’y reviens l’année prochaine, cette fois avec tous mes amis et les membres de ma communauté! Sharing is caring, right? 🤗

Le reste, c’est en images, comme toujours!

@borakae

2 commentaires

  1. C’était fantastique Machallah et bien organisé merci beaucoup à tts les responsables ..!!!🙏🏽👍je pense que le prochaine Inchallah vous allez faire plus de fussions GNAWA mix avec reggae,Mbalax et d’autres pour faire plus développer le Musique de Gnawa Inchallah c’est un juste mon opinion 🙏🏽 Merci Machallah

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